Santévet : Après un an d’existence, quel bilan tirez-vous de la mise en place du 3677 SOS Maltraitance animale ?
Loïc Dombreval : Le bilan est extrêmement positif. Le nombre d’appels - près de 32 000 en un an ! - atteste de l’intérêt et de la légitimité de ce numéro. Nous écoutons et renseignons les témoins de maltraitance, facilitons la résolution amiable lorsqu’il s’agit de défauts de soins, activons des enquêtes lorsqu’un doute subsiste et organisons parfois des saisies.
S. V. : En quoi selon vous ce « service » faisait-il défaut
L. D. : Des études préalables à la création du numéro indiquaient que la majorité des témoins de maltraitance ignoraient comment et auprès de qui la signaler ou la signalaient mal en procédant à des « multi déclarations » : gendarmes, policiers, plusieurs associations de protection animale, mairie, pompiers… . Ce qui générait des pertes de signalement, chacun pensant que l’autre allait prendre en charge le dossier. La mission du 3677 est double : orienter les signalants vers les bon interlocuteur et leur permettre d’identifier clairement la maltraitance animale dont ils sont témoins.
« Nous avons constitué notre propre équipe d’enquêteurs bénévoles. »
S. V. : En dehors de la possibilité de signaler un cas de maltraitance, quelles sont les actions que vous menez sur le terrain ?
L. D. : Pour faciliter et accélérer l’avancement des dossiers de signalements, nous avons constitué notre propre équipe d’enquêteurs bénévoles. Ils sont près de 200 sur le territoire et font un travail formidable, parfois dans des conditions difficiles, sur leur temps libre. Nous les sélectionnons sur leur expérience et leur motivation puis nous les formons à leur prise de fonction et de façon continue. Félicitations et merci à eux.
S. V. : SOS Maltraitance Animale ne reçoit aucune subvention de l’État. Pourquoi un tel désintérêt ?
L. D. : La ligne du 3677 prouve qu’elle rend un service public réel. Notamment en allégeant le travail de réponse téléphonique des forces de l’ordre. Ou encore en aidant à détecter des individus violents et potentiellement dangereux. Pourtant, l’État ne propose aucune subvention malgré nos nombreuses demandes. Je ne m’en explique pas la raison. D’autant que l’État sait être là financièrement et de façon massive pour des associations ou des fondations de protection animale soutenues par de nombreux donateurs, ce qui n’est pas notre cas.
S. V. : Votre engagement de longue date en faveur de la cause animale vous a valu parfois quelques railleries. Est-ce si difficile de mobiliser les politiques autour de cette cause alors qu’il est, de nos jours, de plus en plus question du bien-être animal ?
L. D. : C’est en effet très difficile d’avoir un soutien des politiques. Depuis 2021, l’année du vote de la loi contre la maltraitance animale, aucune évolution majeure en faveur des animaux n’a été engagée.
Avant 2021 déjà, il fallait remonter au 20eme siècle pour observer des changements notables dans la protection animale. Ce sujet est ignoré, voire méprisé par les politiques qui considèrent qu’il y a des sujets plus importants et plus urgents que la condition animale, ce qui n’est pas faux d’ailleurs ! Quand vous vous saisissez de ces sujets, vous savez que vous allez avoir contre vous tous les agriculteurs et tous les chasseurs de votre circonscription. Ça peut faire du monde et vous faire perdre une élection.
S. V. : Vous indiquez que les auteurs de violences contre des animaux peuvent s'avérer tout aussi violents avec les êtres humains et que, dans 80 % des cas, une personne qui a maltraité un humain a préalablement maltraité un animal. C’est un pourcentage énorme ?
L. D. :Ce n’est pas moi qui le dis ! Ce sont des études du FBI et de nombreuses autres études très sérieuses. Et oui, c’est un pourcentage énorme que l’on évoque par une formule très claire : « Une seule violence ». Un individu violent est intrinsèquement violent et exprime sa violence contre tout : objets, personnes, animaux… D’où l’intérêt d’une ligne comme le 3677 ! Nous avons, rarement heureusement, des cas de violences intra familiales qui nous remontent.
« Je vois une inflexion positive des jugements rendus, de plus en plus durs lorsqu’il s’agit de maltraitance animale. »
S. V. : On parle beaucoup des lenteurs de la justice et de son manque de sévérité. En ce qui concerne les cas de maltraitance animale, ce sentiment est-il partagé ?
L. D. : Je ne jette pas la pierre aux juges qui sont déjà dépassés par le volume des affaires qu’ils ont à traiter. Mais je vois une inflexion positive des jugements rendus, de plus en plus durs lorsqu’il s’agit de maltraitance animale. Cela est lié à l’intégration dans leur logiciel de réflexion du concept validé d’« une seule violence », d’évolutions dans leur formation qui intègre dorénavant les délits envers les animaux, de la sensibilité des juges plus jeunes à ces questions. Tout cela va dans le bon sens.
S. V. : Vous êtes également le rapporteur de la loi contre la maltraitance animale adoptée par le Sénat en novembre 2021. A-t-elle porté ses fruits ?
L. D.: Oui et non. Oui, car nous avons porté des évolutions majeures notamment avec l’interdiction de détention de la faune sauvage dans les cirques et les delphinariums, une augmentation significative des sanctions en cas de maltraitance, le contrôle plus strict des petites annonces de cession gratuite ou payante de chats, chiens et furets, l’interdiction de la vente d’animaux comme de vulgaires objets dans les animaleries… et non parce que les solutions pour le placement des animaux sauvages – orques, dauphins, tigres etc. – tarde beaucoup trop faute de solution, parce que certaines détournent l’esprit de la loi pour poursuivre leur business sur le dos des animaux.
C’est le cas du Click and Collect qui autorise les animaleries à vendre des chats et chiens (mais loin des yeux du public, dans des arrière-boutiques) ou encore l’apparition de faux certificats d’engagement et de connaissance, le préalable incontournable à l’achat d’un animal de compagnie.
S. V. : Interdire la vente en animalerie a été salué par les défenseurs de la cause animale, les refuges, etc. Mais continuer d’autoriser la vente de chiots et de chatons dans les salons, qui plus est sans respecter les obligations du certificat d’engagement et de connaissance, n’est-il pas une aberration à vos yeux ?
L. D. : C’est une aberration, mais la loi de 2021 n’a pas réussi à interdire les salons. Nous avons obtenu l’interdiction de la vente en animalerie contre l’avis du gouvernement, ce qui n’est pas rien.
Quant au certificat d’engagement et de connaissance, ce n’est pas comme cela que je le souhaitais, mais le décret d’application en a décidé autrement. Cela laisse des opportunités d’amélioration de la loi, comme c’est toujours le cas pour toutes les lois.
S. V. : Dans une interview*, vous avez déclaré: « Quand je veux quelque chose, je ne lâche pas. Je suis un vrai fox-terrier ! » D’où vous vient cette volonté de défendre la cause animale et votre engagement indéfectible ?
L. D.J’aime tous les animaux. Quelle que soit leur espèce ou leur race, ils sont essentiels à la vie des humains, sauf de rares cas. L’être humain est particulièrement ingrat avec eux. Plus généralement, je suis un défenseur des plus faibles : les enfants, les personnes âgées, les handicapés, les pauvres… Si j’avais eu le temps durant mon mandat, j’aurais travaillé à ces thématiques. Il m’a fallu faire des choix et sur ces thèmes d’autres députés, que je soutenais, étaient bien plus légitimes que moi et dédiaient tout leur temps à ces causes. Il n’y a pas d’autre choix quand vous voulez faire avancer les choses : vous y dédier et ne rien lâcher.
S. V. : Quels sont les animaux avec lesquels vous vivez ?
L. D. : J’ai toujours vécu avec des chats, depuis mon enfance. Malheureusement mon activité professionnelle ne me permet plus de m’en occuper dans les règles de l’art. Alors je « profite » des animaux de mes amis et de ma fille qui a un magnifique Corgi.
« Les assurances santé pour animaux sont essentielles. »
S. V. : Vétérinaire de formation, que pensez-vous de l’assurance santé animale qui permet de faire face à des frais parfois élevés ? En dehors de l’aspect clinique et financier, est-ce que cela peut contribuer à éviter le manque de soins voire l’abandon – tous deux des actes de maltraitance – par manque de moyens ?
L. D.: Avec le 3677, la principale maltraitance que nous notons est une maltraitance par négligence. Cette négligence peut être un manque de soins ou de nourriture par manque de moyens financiers. L’animal est malade mais son maître n’a pas les moyens d’aller chez le vétérinaire. D’où l’intérêt majeur des assurances.
Par ailleurs, on voit le coût des actes vétérinaires augmenter très significativement notamment par une évolution dans le niveau de qualité des soins, ce qui est évidemment une excellente chose pour la santé et le bien-être des animaux. Mais cela complique pour beaucoup l’accès à ces soins. Là encore, les assurances sont essentielles.
S. V. : Quels sont les objectifs que vous vous fixez pour SOS Maltraitance Animale et avez-vous de nouveaux projets pour la structure ?
L. D. : La ligne a été un immense succès auquel notre équipe et notre organisation ont dû s’adapter rapidement. Cela a créé quelques difficultés au début, notamment dans la rapidité des réponses apportées aux signalants.
Le premier chantier a été professionnaliser ces réponses et les procédures pour réponde plus vite et mieux. Nous poursuivons cette professionnalisation. Tout comme nous poursuivons la construction de notre équipe et la professionnalisation de nos enquêteurs sur le terrain.
Les résultats se font déjà sentir. Nous poursuivons aussi nos efforts pour créer des partenariats avec d’autres associations de protection animale. Notre but est d’être en capacité le plus vite possible de remonter à l’État des données solides sur la maltraitance en France. Car, il ne peut pas y avoir de bonnes politiques publiques en la matière sans chiffres fiables.
* 30millionsdamis.fr, 15/05/2021
Propos recueillis par Claude Pacheteau
Santévet
Leader de l'assurance santé animale
Photos : DR & 123RF