Dr Pierre Buisson, président de l’I-CAD : « Ce dont je rêve est que la technologie de lecture de puce soit un jour incluse dans les téléphones portables. »

L’I -CAD, sous délégation du ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire, gère l’identification des carnivores domestiques : chiens, chats, furets. L’ I-CAD constitue la plus importante base de données européenne dédiée à l’identification des animaux domestiques. Rencontre avec le Dr Pierre Buisson, vétérinaire, qui en est le président depuis 2018.

Santévet : Quelles tendances observe-t-on aujourd’hui dans l’identification des chiens et chats en France ?

Dr Pierre Buisson : Nous avons observé un pic d’adoptions au moment du Covid, qui s’est accompagné d’une hausse des identifications : +10 % en 2020/2021. Depuis, nous sommes dans une tendance baissière, qui est très marquée pour les chiens et un peu moins pour les chats. Chez ces derniers le nombre de nouvelles identifications depuis 2022 est à peu près stable, contre une baisse des chiens qui va être de pratiquement 5 % sur les 12 derniers mois. 

pierre buisson i cad

« La Semaine de l’identification est un des temps forts de notre communication. »

S. V. : L’identification par tatouage a-t-elle complètement disparu au profit de la puce ?

Dr P. B. : Elle reste chez nous en dessous de 5 % et elle reste très majoritairement liée à l’identification par tatouage des chiens de meute. Mais le règlement européen prochainement adopté va y mettre un terme définitif. Il ne prévoit que la puce comme élément d’identification reconnu.

Pour l’instant, il y avait possibilité pour les États de reconnaître le tatouage, comme en France, ce qui ne sera plus le cas. Nous sommes depuis un certain moment dans un déclin très très fort qui est tout à fait justifié, à la fois par les difficultés techniques et la médiocrité du résultat.

S. V. : Comment travaillez-vous avec les vétérinaires, refuges et collectivités pour améliorer la traçabilité des animaux ?

Dr P. B. : Nous communiquons comme notamment avec ce temps fort qu’est la Semaine de l’identification organisée une fois par an afin de sensibiliser à la fois les acteurs concernés mais aussi le grand public. Nous avons pour cela un service de communication dédié, doté d’un budget conséquent.

« Les feux d’artifices sont une cause importante des fugues chez le chien. »

abandons chats été 2024

S. V. : Les grandes vacances et la fin d’année sont-elles les seules périodes de l’année connaissant les plus fortes déclarations de perte, et comment l’expliquer ?

Dr P. B. : Il y a effectivement un très grand nombre de pertes d’animaux en été, et tout particulièrement chez le chat. Ce qui nous permet d’argumenter fortement sur la nécessité d’identifier les félins, y compris ceux d’intérieur, ceux qui ne sortent pas de leur foyer. Transportés aux moments des vacances, c’est là que le risque de perte survient. Identifiés, ils ont 2 à 3 fois plus de chances d’être retrouvés. Chez les chiens, le pic est plus marqué début juillet avec les feux d’artifices, qui constituent une cause très importante de fugue chez le chien.

S. V. : Quels peuvent être les freins au non-respect de l’identification alors même que cela est une obligation ?

Dr P. B. : Le premier argument à réfuter pour s’opposer à l’identification reste bien : « Le chat ne sort jamais ». Mais cela est nettement contredit par les faits.

S. V. : Une amende est pourtant prévue en cas de non-respect.

Dr P. B. : Il existe une amende plafonnée à 300 euros dont on ne sait pas vraiment comment elle est appliquée. C’est pour autant un effet dissuasif assez marqué. Le chien était déjà concerné par une contravention de ce type-là. Les chats avaient obligation d’être identifiés depuis 2010 mais sans contravention. La pénalisation est intervenue en 2020 et l’on a constaté une hausse des identifications. La peur du gendarme est donc quelque chose à ne pas négliger !

« La qualité de la traçabilité est totalement dépendante des informations communiquées par les vétérinaires et les propriétaires d’animaux. »

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S. V. : Quelles innovations récentes l’I-CAD a-t-elle mise en place pour faciliter les démarches des propriétaires ?

Dr P. B. : La grande innovation a eu lieu à partir de 2023 avec la digitalisation de la carte d’identification qui est restée longtemps, trop longtemps dirons-nous, à un système d’envoi de carte papier.

Nous avons mis en place des mesures de vérification des informations que le vétérinaire nous transmet après avoir identifié un chien ou un chat, ce qui nous permet d’éditer immédiatement une carte d’identification que le détenteur peut télécharger en se rendant sur son compte sur le site de l’I-CAD.

Cela permet aussi au détenteur, par la suite, de faire des changements d’adresse, de numéro de téléphone, etc. très facilement.

La mise à jour des données des détenteurs fait partie des actions de sensibilisation du grand public sur lesquelles nous communiquons très régulièrement. La qualité de la traçabilité est totalement dépendante des informations transmises par les vétérinaires au moment de l’acte et celles des propriétaires d’animaux.

S. V. : Quel rôle joue aujourd’hui l’application Filalapat ?

Dr P. B. : C’est aujourd’hui une communauté avec un certain nombre de modérateurs bénévoles qui permet la mise en ligne des animaux perdus voire trouvés. Contrairement à d’autres acteurs qui le font, Filalapat est totalement gratuit, conformément à nos engagements. Nous devrions produire en 2026 une application alternative permettant d’ajouter d’autres fonctionnalités.

S. V. : Quelles évolutions réglementaires seraient utiles pour renforcer l’identification et la protection animale ?

Dr P. B. : Le règlement européen qui aligne toutes les communautés sur la législation française va être le bienvenu, car nous avions quelques soucis avec des importations d’animaux circulant en France avec des systèmes d’identification différents, de fraudes.

S. V. : Quels sont les statistiques sur les vols d’animaux dont vous disposez ?

Dr P. B. : La question des vols d'animaux est un marronnier journalistique. Le nombre de vols déclarés à I-CAD s’établit à quelques centaines par an. Je ne pense pas que nous soyons en sous-déclarations. Il y en a, c’est évident et nous connaissons tous des personnes qui en ont été malheureusement victimes. Ce sont le plus souvent des actions ciblées sur des animaux de certaines races et de certaines périodes d’âge.

« L’assurance santé animale va elle aussi dans le sens de la possession responsable et respectueuse. »

chien hospitalise veterinaire

S. V. : L’assurance santé animale permet de financer l’identification et par ailleurs de gérer le budget santé des animaux, ce qui peut éviter des abandons. Que pensez-vous des mutuelles pour chiens et chats ?

Dr P. B. : C’est une solution très intéressante et adaptée pour améliorer la possession responsable et respectueuse. Nous avons d’ailleurs toujours eu, dès le départ, des actions communes avec Santévet sur la possession responsable.

Nous sommes le socle puisque pour pouvoir assurer un animal, il faut qu’il soit clairement identifié et Santévet participe à la prise en charge cette démarche. Au-delà de l’identification, la mutuelle facilite l’accès aux soins tout au long de la vie des animaux et joue donc un rôle important, un modèle économique intéressant pour les maîtres de chiens et chats.

S. V. : Comment imaginez-vous l’évolution du rôle du Fichier National I-CAD dans les prochaines années, face à l’augmentation des adoptions et aux nouveaux modes de vie avec les animaux ?

Dr P. B. : Aujourd’hui, nous travaillons beaucoup à la valorisation de nos données. Nous avons donc créé pour cela un service sous la responsabilité du docteur vétérinaire Cécile Gardino. Nous disposons de la plus grosse base européenne. C’est depuis 2012 un modèle unique.

Au-delà de l’identification, cela nous conduit par exemple à travailler avec des mairies sur le thème de l’intégration de l’animal. Concernant l’identification, nous visons l’amélioration de l’identification des chats. C’est le challenge que nous nous donnons dans les années à venir. Dans les ambitions que l’on pourrait avoir, ce serait de proposer des solutions pour des animaux qui n’ont pas aujourd’hui de système réglementaire. Comme les lapins pour lesquels nous connaissons l’intérêt des maîtres pour cette espèce.

Ce dont je rêve est que la technologie de lecture de puce soit un jour incluse dans les téléphones portables. C’est aujourd’hui un frein important à la prise de conscience par les détenteurs de l’efficacité du système. C’est un gage technologique qui pourrait booster l’indentification. On ne comprend pas pourquoi aucun des systèmes ne le propose.

Pour rester inoffensive pour la santé des animaux, nous n’aurons pas je pense d’innovation pour que la puce puisse servir d’auxiliaire à la localisation, par exemple. Mais déjà le fait que tout le monde puisse la lire à l’aide de son téléphone serait une très grande avancée.

Le fait aussi qu’avec l’intelligence artificielle, en l’associant à la puce, on puisse faciliter la reconnaissance de l’animal faciliterait la gestion des animaux perdus/trouvés.

S. V. : Peut-on imaginer qu’un jour la puce électronique renfermera d’autres informations, telle que la santé ?

Dr P. B. : Cela a déjà été testé. Mais cela n’a d’intérêt que pour des pays, comme le Maroc par exemple, ou un code pourrait attester ou non de la vaccination contre la rage. Ce qui serait intéressant, c’est que la lecture de la puce permette d’ouvrir dans un système déporté l’accès à un dossier qui, lui, comporterait des informations médicales.

Les embarquer dans la puce ne me semble pas être une voie de grande valeur. Le parallèle est notre carte vitale, qui ne contient pas d’information mais qui, une fois insérée dans une borne, permet aux ayant-droits d’avoir accès aux informations médicales.

 

Santévet

Leader de l'assurance santé animale

Photos : DR & 123RF