Le Dr Didier Boussarie, vétérinaire, et les NAC

Fasciné depuis l’enfance à la vue d’un beau perroquet, mais aussi tout simplement d’un hérisson, d’une tortue… voire d’un serpent, le Dr Didier Boussarie s’est sans doute inspiré de cette fascination pour suivre une voie pour lui toute tracée.. Celle de devenir le pionnier en matière de soins vétérinaire concernant les NAC (Nouveaux Animaux de Compagnie). Depuis, il a fait bien des émules dans son sillage, tout se en perfectionnant encore et toujours. 

SantéVet : Qu’est-ce qui vous a amené à vous passionner pour les NAC à une époque où ils étaient encore ‘’rares’’ en France ? Comment cet engagement a-t-il alors été perçu ? 


Dr Didier Boussarie : Ma passion pour les NAC est ancienne, elle remonte à ma jeunesse. J’étais fasciné devant un beau perroquet, un serpent, une tortue, un hérisson. Le tout alimenté par des rêves de pays lointains, de contrées inconnues et d’espèces étranges. 

De zoologique et idéaliste, ma passion est devenue au fil du temps plus scientifique, plus médicale avec mes études secondaires puis vétérinaires. 

J’ai eu la chance de rencontrer le Dr Michel Bellangeon au cours de mes études à l’Ecole Vétérinaire de Lyon. Il m’a stimulé et encouragé dans ma passion, à une époque ou les NAC étaient effectivement encore largement méconnus des praticiens et du public. 

Nous avons fondé le GENAC (Groupe d’Etude des Nouveaux Animaux de Compagnie) au sein de la CNVSPA, et tout était à faire : pas de documents, pas de formations, pas d’Internet. Je me rendais au Muséum d’Histoire naturelle à Paris pour chercher de la documentation dans les diverses bibliothèques. J’ai effectué un stage à l’Animal Medical Center de New York avec mes amis Michel Bellangeon et Jean Pierre André, puis d’autres stages ont suivi, dont à Utrecht chez Gerrie Dorrestein. Nous étions très « artisanaux » au début, mais j’avais la foi, la curiosité et la passion, le désir de connaître et d’apprendre, mais aussi la volonté de faire partager aux autres, d’initier les praticiens à ce nouvel aspect de notre métier.

« Les propriétaires de NAC sont autant attachés à leurs animaux que les propriétaires de chiens ou de chats. »



SantéVet : Avez-vous, et notez-vous encore de nos jours, des différences dans le rapport des Français avec les NAC par rapport à d’autres pays ? 

Dr Didier Boussarie : Nous avions au départ un retard certain, pour ne pas dire considérable sur les pays anglo-saxons. Lors de mon séjour aux Etats-Unis, j’étais étonné de voir autant de NAC en consultation, des propriétaires aussi motivés, aussi demandeurs de soins et d’examens sophistiqués pour l’époque. Les NAC étaient déjà très médicalisés, alors que les consultations chez nous restaient rares et le plus souvent très basiques par défaut d’information.

Depuis, les choses se sont progressivement normalisées, et je pense que, nous autres pionniers, y avons été pour quelque chose. Les propriétaires étaient ravis de trouver des praticiens qui s’intéressaient à leurs animaux et qui étaient capables de leur prodiguer des soins et des conseils. 

Aujourd’hui, je constate que les propriétaires de NAC sont autant attachés à leurs animaux que les propriétaires de chiens ou de chats. Ils veulent ce qu’il y a de mieux pour leur animal et ils n’hésitent pas à faire des sacrifices financiers ou à parcourir de grandes distances pour faire soigner leur compagnon dans les meilleures conditions.

Par contre, des différences subsistent par rapport à d’autres pays, notamment dans l’intérêt porté aux différents groupes d’espèces.

Aux Etats-Unis, le furet est le troisième animal de compagnie à part entière. Les oiseaux, et notamment les Psittacidés, sont plus nombreux et beaucoup plus médicalisés dans les pays anglo-saxons qu’ils ne le sont chez nous. Les reptiles sont nombreux et aussi très médicalisés en Espagne, en Angleterre et aux Etats-Unis. En Allemagne, toutes les grandes structures vétérinaires possèdent un vétérinaire NAC exclusif qui ne fait que cela.


« La relève est aujourd’hui bien assurée ! »



SantéVet : Vous avez fait des émules. Y-a-t-il encore à faire dans ce genre de spécialisation ? D’ailleurs en est-ce une spécialisation dans le cadre du cursus vétérinaire ? Est-ce que désormais, les études vétérinaires permettent des « formations » qui leur sont destinés ? 

Dr Didier Boussarie : J’ai effectivement fait des émules, à tel point qu’on peut considérer que la relève est aujourd’hui bien assurée. Mais il reste beaucoup à faire ! La médecine et la chirurgie des NAC restent encore largement méconnues dans certains domaines. 

Les vérités d’aujourd’hui ne seront pas celles de demain. Nos connaissances biologiques, nos moyens d’investigation, nos protocoles anesthésiques ou analgésiques, nos techniques chirurgicales évoluent.

A tel point que la célèbre phrase de Sénèque prononcée à la fin de sa vie : « La seule chose que je sais est que je ne sais rien » s’applique tout à fait à notre domaine et qu’il faut se garder d’être trop péremptoires dans nos affirmations.

A propos de la spécialisation là-aussi les choses évoluent. A l’heure actuelle, les NAC ne constituent pas une spécialisation reconnue dans le cadre du cursus vétérinaire français, mais un enseignement à part entière. Par contre, un Collège européen des animaux exotiques comportant cinq modules est en train de se mettre en place ; les premiers diplômés sortiront bientôt, et il est vraisemblable qu’un CES verra aussi le jour dans les années à venir.


SantéVet : Lorsque l’on regarde de plus près la « vie » des NAC (lapin, cobaye, furet, perroquet, chinchilla) on se rend compte que ces animaux ont vraiment besoin d’attentions particulières. Les maîtres ont-ils bien conscience des exigences de ces animaux de compagnie ? 

Dr Didier Boussarie : Oui, les maîtres ont aujourd’hui dans l’ensemble bien conscience des exigences et des spécificités de leur animal, même si les lapins et rongeurs sont parfois encore considérés comme des carnivores miniatures. 

Ils sont pour la plupart jeunes, globalement bien informés, très désireux de bien faire, exigeants en matière de soins, ils attendent des conseils et des informations sérieuses de la part du vétérinaire. Mais ils trouvent aussi pour la plupart l’essentiel de leurs sources d’information via Internet, par les sites et les forums.

A titre d’exemple, l’encéphalitozoonose du lapin et la chromodacryorrhée du rat sont aujourd’hui connus de la plupart des jeunes propriétaires internautes concernés par ces espèces respectives. La qualité des sites s’est beaucoup améliorée, la crédibilité des forums reste aléatoire, rien ne remplace cependant les conseils judicieux et la qualité de soins du vétérinaire spécialisé.

Les NAC ne sont donc pas considérés par leurs propriétaires comme des substituts de chiens et de chats (ils possèdent d’ailleurs parfois les deux types d’animaux), mais comme des animaux de compagnie à part entière auxquels ils sont très attachés.


« Il n’est pas facile de soigner un NAC. C’est ‘’l’art NAC’’ ! »



SantéVet : Est-il ‘’facile’’ de soigner un NAC ? Chez un chien et un chat, cela n’est pas toujours évident. Est-ce que pour vous le diagnostic est plus difficile chez un NAC ? Y-a-t-il les mêmes progrès, les mêmes ‘’espoirs’’ en médecine vétérinaire lorsqu’il est question de soigner un NAC ? 

Dr Didier Boussarie : Non, il n’est pas facile de soigner un NAC. C’est ce que mon confrère le docteur Firmin appelle « l’art NAC » !

Le diagnostic ne sera pas plus difficile chez un NAC pour le vétérinaire spécialisé et expérimenté, il le sera par contre beaucoup plus pour le vétérinaire non expérimenté. La première difficulté est la contention, qui n’est pas évidente surtout chez certaines espèces comme les grands perroquets ou les serpents. 

Les autres difficultés résident dans les techniques de prélèvements, les examens complémentaires, les protocoles anesthésiques, les spécificités biologiques et pharmacodynamiques, le choix et la posologie des médicaments. Certains médicaments sont formellement déconseillés chez telle ou telle espèce, avec des risques éventuellement mortels.

Par ailleurs, les conditions environnementales d’entretien et d’alimentation ont une très grande importance dans l’apparition et le développement des maladies. Elles sont la base de tout traitement et doivent être bien connues des propriétaires et des vétérinaires.

En ce qui concerne l’efficacité des soins, là encore tout dépend du niveau de spécialisation et d’expérience du vétérinaire, mais aussi de l’espèce concernée. Un furet bénéficiera plus ou moins des mêmes soins qu’un chien ou un chat. Par contre, les soins prodigués aux oiseaux et aux reptiles sont fonction du niveau de compétence du vétérinaire traitant.  

Les NAC bénéficient aujourd’hui des mêmes outils de diagnostic et de traitement que les chiens et les chats dans les cliniques vétérinaires. Ils bénéficient de ce fait des mêmes progrès et des mêmes espoirs en médecine vétérinaire, notamment dans le domaine de l’imagerie, de la gestion des urgences, de la réanimation,…Mais leurs soins restent très spécifiques.

Notre spécialisation nous impose, bien sûr, de nous tenir informés, car les connaissances évoluent très vite. Certains vétérinaires sont et restent « spécialisés NAC généralistes », à ce titre ils accueillent un large éventail d’espèces. D’autres sont par contre spécialisés pour un groupe d’espèces, il y a à ce titre des spécialistes reptiles, oiseaux, poissons, furets, cobayes…


SantéVet : Combien de vétérinaires sont en France spécialisés en NAC ? La difficulté ne réside-t-elle pas pour les maîtres de trouver justement un vétérinaire qui sachent soigner les NAC ?

Dr Didier Boussarie : Il est très difficile, voire impossible, de répondre à cette question, d’autant plus qu’il n’existe pas actuellement en France de diplôme de spécialiste NAC agréé par nos instances syndicales et ordinales.

Les vétérinaires NAC ou qui se considèrent comme tels le sont sous leur appréciation et leur responsabilité, tout dépend où ils placent la barre. Tout dépend aussi quelle est la place prise par les NAC dans leur activité vétérinaire, en terme de cas référés, de nombres d’actes ou de pourcentage de chiffre d’affaires. 

La notion de vétérinaire spécialisé en NAC repose donc avant tout sur la notoriété du vétérinaire, sur une reconnaissance de fait.

La difficulté réside effectivement pour les maîtres de trouver un vétérinaire qui soit compétent en NAC, mais ils peuvent le faire de plusieurs façons : par le vétérinaire de proximité non spécialisé et conscient de ses limites et qui aura la perspicacité et l’honnêteté de référer à un confrère spécialisé ; par les laboratoires vétérinaires (certains possèdent d’ailleurs des sites animés par des vétérinaires experts) ; par les sites spécialisés sérieux et les forums ;par les éleveurs, les associations de passionnés ou de protection animale ; par les instances professionnelles. 


« L’assurance santé animale pour les NAC correspond à une nécessité et à une demande indiscutable. »


SantéVet : La médecine vétérinaire, dès lors que les maîtres respectent une bonne alimentation, un bon habitat, les vaccinations/vermifuges recommandés, est-elle à même de soigner des pathologies complexes chez ces animaux ? Les connaissances de la médecine vétérinaire et votre expérience a-t-elle été porteuse d’espoirs ? 

Dr Didier Boussarie : Les NAC, dès lors qu’ils sont détenus dans de bonnes conditions d’entretien, avec une bonne alimentation, auront peu de chances de développer des pathologies complexes. A la condition que les maîtres s’informent correctement auprès des personnes compétentes sur les risques pathologiques, et assurent le dépistage des maladies infectieuses graves (ceci est particulièrement vrai pour les oiseaux et les furets ). 


SantéVet : Une assurance santé animale destinée aux NAC, que cela vous inspire-t-il ? 

Dr Didier Boussarie : Cette assurance santé animale correspond à une nécessité et à une demande indiscutable. Et ceci est d’autant plus vrai que ces animaux sont aujourd’hui très médicalisés au même titre que les chiens et les chats, et que les propriétaires peuvent être malheureusement entraînés dans des soins coûteux.

Par exemple les affections buccodentaires des lapins et des cobayes, les tumeurs surrénaliennes ou pancréatiques du furet, l’hospitalisation des perroquets…


SantéVet : Les maîtres sont-ils ‘’différents’’ de ceux propriétaires de chiens ou chats ? Sont-ils plus demandeurs de conseils, etc. ? 

Dr Didier Boussarie : Les maîtres ne sont pas fondamentalement différents de ceux des propriétaires de chiens et de chats. Ils aiment leurs animaux qu’ils considèrent comme des animaux de compagnie à part entière.

Ils sont, et ceci a déjà été dit plus haut, pour la plupart jeunes, globalement bien informés, très désireux de bien faire, exigeants en matière de soins. Ils sont très demandeurs de conseils pratiques et d’informations sérieuses de la part du vétérinaire.

On peut cependant noter des différences dans le profil des propriétaires. Les possesseurs de lapins de compagnie sont le plus souvent des femmes jeunes qui apprécient le contact de la fourrure de leur animal ; les possesseurs de cobaye sont également des jeunes femmes ou des familles avec des enfants.

Les possesseurs de furets sont des jeunes qui en ont souvent plusieurs. Les possesseurs d’oiseaux des personnes âgées, des artisans commerçants ou des professions libérales, attirés par leur chant, leur faculté de parler ou la beauté de leur plumage. Les possesseurs de reptiles sont fascinés par l’observation de leur animal qui les regarde et les renvoie à un monde qui n’existe plus


SantéVet : Quels sont les conseils que vous donneriez à un futur acquéreur ?


Dr Didier Boussarie : S’informer avant d’acquérir, et non pas acquérir d’abord et s’informer ensuite. C’est indispensable [voir également encadré, Ndlr]. Auprès d’un vétérinaire spécialisé, d’une association, par un bon ouvrage, de bonnes revues, un site Internet sérieux ayant des références, un ami ou une connaissance ayant déjà une certaine expérience dans la possession de tel animal.  


SantéVet : Et d’un point de vue de la santé, quelles sont les choses à faire sans attendre ? 


Dr Didier Boussarie : Il est important pour un possesseur de NAC de présenter son animal chez le vétérinaire surtout s’il s’agit d’un premier animal. Ce dernier pourra ainsi prodiguer tous les conseils nécessaires en matière de condition de détention, d’alimentation, de comportement.

Il pourra aussi le vermifuger et le vacciner lorsqu’il existe des vaccins (en pratique lapin et furet), conseiller un implant contraceptif pour le furet (et non pas la stérilisation) pour éviter une tumeur surrénalienne ultérieure, conseiller la stérilisation de la lapine pour prévenir une tumeur utérine.

Propos recueillis par Claude Pacheteau

Médecine des NAC : une spécialisation à part entière

« Je me considère effectivement comme un pionnier », assure le Dr vétérinaire Didier Boussarie. Celui-ci a d’ailleurs été le premier vétérinaire en France à exercer une activité exclusivement NAC, au CHV Frégis à partir de 2002. Et le Dr Boussarie continue d’exercer aujourd’hui une activité NAC exclusive à Reims. 

« J’ai initié les praticiens aux NAC avec quelques autres confrères passionnés il ya maintenant une vingtaine d’années et quelque part, je me sens fier d’être pour quelque chose si les praticiens s’intéressent aujourd’hui aux NAC », explique-t-il.

« Il faut bien avouer que notre engagement a été diversement perçu au début dans les milieux vétérinaires. On nous considérait parfois comme des marginaux, des fantaisistes, auxquels on laissait volontiers un domaine jugé comme secondaire. Les choses ont bien changé depuis, les NAC ne sont plus considérés comme une fantaisie, comme des sous-espèces, la médecine des NAC est une spécialisation à part entière dont l’importance ira croissant dans le public et dans notre profession. »

 

Des progrès restent à faire en matière de vente

« En terme de vente, beaucoup de progrès a déjà été fait, mais beaucoup reste à faire », estime le Dr Boussarie. « La très grande majorité des animaux vendus en animalerie sont aujourd’hui des animaux issus d’élevage, ces mêmes animaleries ont pour la plupart un engagement contractuel avec un vétérinaire », poursuit-il. 

« Les responsables d’animalerie doivent posséder un certificat de capacité ou en avoir fait la demande. Visitant à titre personnel les animaleries depuis une quinzaine d’années, j’ai constaté un progrès sensible dans l’état sanitaire de ces animaux. Mais ne nous trompons pas, beaucoup reste à faire. Il est important pour la profession vétérinaire de travailler non pas dans un esprit conflictuel ou répressif avec les animaleries, mais plutôt en partenariat et à titre de conseil. »

« La règlementation française est une des plus contraignante du monde. L’Annexe 1 de l’Arrêté du 10 août 2004 modifié par l’Arrêté du 30 juillet 2010 fixe  la liste des espèces non domestiques dont la détention est soumise à autorisation préfectorale et dont le marquage est obligatoire. »

« L’annexe 2 de l’Arrêté du 10 août 2004 modifié par l’Arrêté du 30 juillet 2010 fixe  la liste des espèces non domestiques dont la détention ne peut être autorisée, avec obligation de marquage ou non, qu'au sein d'un établissement d'élevage ou de présentation au public d'animaux d'espèces non domestiques, autorisé selon le code de l'environnement à détenir des animaux de l'espèce considérée. » 

 

Pour en savoir plus

A visiter : le site du Dr Didier Boussarie : www.docteur-boussarie.com





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Photo : Dr D. Boussarie/DR