Plaidoyer contre les abandons de chiens âgés

Qu’est-ce qui peut pousser des maîtres à abandonner leur chien lorsque celui-ci à un âge avancé ? Comment ces vieux animaux supportent cet abandon et comment s’adaptent-ils à leur nouvelle vie en refuge ? Adopter un chien âgé peut offrir des avantages et des joies particulières. C’est ce que nous explique Antonio Ruiz, éducateur canin. 

L’abandon d’un jeune animal n’est pas sans conséquence. Et celui d’un chien ayant dépassé la dizaine d’années semble encore plus odieux. 

Pourtant, les abandons de vieux chiens sont monnaie courante et les « abandonneurs » n’ont pas plus d’imagination quant aux motifs. 

L’allergie ou l’agressivité vis-à-vis des enfants, un changement de conditions de vie qui ne laisse plus assez de temps pour s’occuper du chien… sont toujours des excuses invoquées pour se séparer de son chien. 

D’autres causes sont plus difficilement défendables, je cite pêle-mêle (véridiques !) : « Nous laissons notre vieux colley de 14 ans, car nous venons de changer la moquette et comme il est incontinent … », « Nous ne pouvons plus le garder parce qu’il ne voit plus et se cogne partout ». Et je ne parle pas ici de ceux qui amènent leur chiens en refuge pensant que l’abandon est gratuit et donc moins onéreux qu’une euthanasie. 

Comme vous le voyez, les motifs d’abandon sont peu glorieux et surtout, en général, absolument non justifiés. Mais après tout, la nature humaine est ainsi faite dans nos sociétés modernes : on se débarrasse facilement de ses anciens en les oubliant en maison de retraite. Alors évidemment… un simple clébard qui en plus a pris de l’âge et n’est plus capable de remplir ses fonctions, pire fait pipi dans le salon parce qu’il est devenu incontinent ça n’est pas gérable ! 

Vivement que ces maîtres à qui la bienséance nous interdit de mettre notre point dans la tronche vieillissent et se retrouvent à leur tour écartés par leurs enfants et petits-enfants qu’ils comprennent enfin - même si c’est trop tard - la gravité de l’acte qu’ils ont commis lorsqu’ils étaient plus jeunes.


Comment les chiens âgés vivent-ils l’abandon ?


Il est difficile de répondre à cette question de façon globale, car chaque chien a une histoire particulière et un caractère particulier qui lui feront ressentir différemment l’abandon. 

Je ne crois pas qu’il y ait une grande différence dans l’attitude de ces chiens par rapport aux plus jeunes. Certains deviennent agressifs (c’est rare), d’autres dépriment et dépérissent (c’est sans doute un peu plus fréquent chez les chiens âgés) et une énorme majorité s’adapte et supporte tant bien que mal ses nouvelles conditions de vie. 

A ce moment de notre réflexion, il me semble utile de préciser qu’en fonction des conditions qui seront offertes aux chiens durant sa « détention », cette période sera plus ou moins facile à vivre. 

Il est clair et sans leur jeter le moins du monde la pierre qu’un grand refuge comme Gennevilliers où transitent des dizaines de milliers d’animaux par an n’est pas l’idéal pour accueillir des chiens qui peuvent nécessiter un suivi particulier. 

Bien consciente de cela, la SPA avait d’ailleurs, notamment dans cette structure, mis en place un service particulier pour ces animaux. D’autres associations plus modestes disposant d’un petit centre d’accueil fonctionnant sur le principe des familles d’accueil semblent mieux adaptées pour accueillir ces chiens vétérans. 

Comme je le disais, la plupart d’entre eux vont faire contre mauvaise fortune bon cœur et vont s’adapter au nouveau rythme qui leur est proposé. 

Leur malchance pourrait être d’avoir connu avant cet épisode douloureux la chaleur d’un bon foyer (enfin ce qui semblait être un bon foyer vu la tournure des événements). Leur chance, c’est d’être à leur âge moins demandeur de sorties par exemple et d’exercices, l’inactivité inhérente au séjour en chenil leur pèse donc parfois moins qu’aux jeunes chiens qui n’ont peut-être pas encore connu un foyer et qui trouvent souvent que les cages sont trop exiguës pour pouvoir se défouler correctement. 

Il arrive que certains chiens (j’ai connu le cas en 2007 avec une femelle braque allemand) déclenche des problèmes de santé suite à leur abandon. 

La maîtresse de cette chienne âgée d’une dizaine d’années déménageait dans le Sud et sous prétexte d’allergie de sa petite-fille a décidé d’abandonner sa chienne. Alors que celle-ci semblait avoir une santé de fer depuis toujours, il ne lui a fallu que quelques semaines pour attraper un virus et en mourir. 

Il arrive donc que ce choc psychologique ait des conséquences directes sur la santé de l’animal. Etant d’un naturel optimiste, je terminerais par des chiens qui vivant dans des conditions déplorables (sous-alimentés, attachés, parfois battus …) trouvent dans le refuge, si ce n’est un paradis, du moins un havre de paix où gîte, couvert et accueil sont bien supérieurs à tout ce qu’ils avaient connu jusque-là. 

Pour ces chiens, on pourrait dire que l’abandon est synonyme de délivrance. Malheureusement, peu d’entre eux sont réellement abandonnés et ceux qui arrivent dans les associations de protection animale le sont le plus souvent après enquête et saisie. Les « ordures » qui leur infligent ces traitements n’ayant nullement l’intention d’abandonner leur souffre-douleur et encore moins de dépenser quelques euros pour le faire. 


Adopter un chien âgé, quelle « bonne » idée !


Ainsi, aussi surprenant que cela puisse paraître, ce sont rarement les personnes âgées qui se proposent de prendre papi mamie chien. Non, non, la grand-mère de 75 ans veut absolument un chiot labrador, Jack Russel ou berger allemand… peu importe, mais un chiot de sa race préférée. 

Ce sera son huitième, elle les a toujours eu plus petit et elle ne comprend pas sous prétexte qu’elle va fêter ses 80 printemps la semaine prochaine, qu’elle n’est plus capable de gérer un jeune chien. 

Il semble que l’image du miroir que renvoient ses animaux soit terrible à assumer pour des gens d’un certain âge. L’argument massue de ceux qui n’imaginent pas que l’on puisse adopter un chien âgé est : « On a tellement de peine lorsqu’on perd un chien que je ne peux pas prendre celui-ci sachant qu’il n’en a plus que pour quelques années ou pire quelques mois. » 

La contre-argumentation semble bien fragile en comparaison et pourtant : quelques mois à partager du bonheur avec ces vieilles boules de poils parfois puantes (si si, c’est une réalité) suffisent à pleurer à chaudes larmes quand ils nous quittent mais également à laisser dans nos mémoires un souvenir bien plus fort et plus durable que ce trop bref moment partagé. 

Car si il est vrai qu’un vieux chien ne vous accompagnera pas pour de grandes balades en forêt ni dans de folles parties de jeux. Il saura par sa présence, son regard et l’affection qu’il vous porte remplir à merveille son rôle de chien de compagnie. 

Le seul véritable argument en défaveur de ces chiens, mais qu’il est important de prendre en compte, est que nombre d’entre eux auront des soucis de santé plus ou moins importants. Cela entraînera, bien évidemment, un coût chez le vétérinaire et ces chiens demanderont un suivi plus important de la part du propriétaire. 

C’est un fait, il faut faire avec et je connais également beaucoup de vieux chiens qui ont une santé de fer. Moins agités, demandant moins de sorties, les chiens âgés sont parfaits pour ceux qui sont d’un naturel calme, paisible, « popote ». 

Tout n’étant pas totalement négatif dans nos sociétés, et comme vous le savez, tout augmente, la conjonction des deux fait que l’espérance de vie de nos chiens augmente. Vous n’êtes pas sans savoir que l’espérance de vie est inversement proportionnelle à la taille du chien, ce qui signifie qu’un chien de la taille d’un york ou d’un bichon a une espérance de vie qui aujourd’hui atteint voire dépasse la quinzaine d’années.

CQFD : adopter un petit chien de 12 ou 13 ans peut laisser espérer plusieurs mois voire plusieurs années de bonheur. Pour les grands chiens, l’espérance de vie tombe à 12-13 ans voire même une dizaine d’années pour les géants. 

Antonio Ruiz, éducateur canin, centre Pile-Poil

 

Adopter un chien âgé quand on a déjà un autre chien

Personnellement, j’aurais tendance à déconseiller de prendre un jeune chien et particulièrement un chiot lorsque le chien de la famille est en fin de vie. 

Certes, la transition sera sans doute plus douce pour le maître à la disparition de l’ancien, mais les derniers mois de l’ancêtre risquent de ressembler aux chutes du Niagara plutôt qu’à un long fleuve tranquille. 

Si dans un premier temps on constate un coup de fouet sur le comportement du vieux chien, rapidement la nature reprend ses droits et celui-ci a sans doute plus à se plaindre de la présence du petit jeune qu’à s’en féliciter. 

Par contre, accueillir un chien âgé alors que celui de la maison est en pleine force de l’âge permettra d’offrir une retraite heureuse à l’ancien. Le plus jeune bénéficiant de la présence d’un compagnon si tranquille fut-il.

Les chiens sont capables d’apprendre à tout âge et même si les capacités physiques et intellectuelles du chien âgé diminuent, cela ne doit pas être une excuse pour diminuer les interactions avec lui, au contraire : boostez-le, proposez-lui un minimum d’exercices physiques et mentaux afin d’entretenir ses facultés le plus longtemps possible.

 

Des associations spécialement dédiées aux chiens âgés


Certaines associations ont choisi de s’occuper quasi exclusivement d’animaux et de chiens âgés. Citons, par exemple, Canisenior ou l’AVA (Aide aux Vieux Animaux). Ces associations prennent en charge des animaux que les autres ne veulent ou ne peuvent pas assumer. 

Elles ne pratiquent pas l’euthanasie (sauf pour raisons médicales) et tentent de trouver la famille qui sera le dernier foyer de ces chiens. Elles ont toutes besoin de soutiens et de moyens pour continuer leurs actions. 

Parmi les avantages qui existent à adopter un chien âgé, citons : le sauvetage qui est une adoption ou le montant de la participation est laissé à l’appréciation de l’adoptant. L’important étant que l’animal trouve un foyer pour ses vieux jours. 

Citons enfin pour ceux qui ne jurent que par les chiens de race, les « champions » mis en retraite par les élevages. Certains éleveurs peu scrupuleux et visant la rentabilité avant tout éliminent purement et simplement les chiens âgés n’ayant plus de fonction au sein de l’élevage. D’autres gardent ces chiens dans leur élevage, d’autres encore cherchent un foyer pour ces chiens. 

En général, il s’agit de chiens relativement jeunes par rapport aux sujets qui nous intéressent aujourd’hui, certains sont mis en retraite vers 7-8 ans parfois 8-9, rarement au-delà. 

C’est sans doute une belle occasion d’accueillir un chien de race à moindre frais et surtout d’offrir une fin de vie douillette à des chiens n’ayant souvent connu pour habitat que le chenil.

 

Quid de l’éducation d’un vieux chien ?

Bien sûr, il est toujours possible d’apprendre des ordres nouveaux à un chien, quel que soi son âge. En revanche, il est raisonnable d’adapter le niveau d’éducation aux capacités du chien. 

A quoi sert de travailler une immobilité parfaite sur un chien de douze ans ? Est-ce réellement utile d’imposer une marche au pied de compétition à une chienne de dix ans ? 

Donc oui pour « éduquer » même un vieux chien, à condition de rester censé sur les objectifs. 

Point extrêmement positif dans ce travail : occuper et entretenir la relation avec votre compagnon et ses facultés physiques et intellectuelles.  


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