Natacha Harry, une nouvelle présidente pour la SPA

Après trois années placée sous administration provisoire, un nouveau Conseil d’administration a été nommé, composé de bénévoles. A la tête de la SPA, une nouvelle présidente : Natacha Harry, vétérinaire et journaliste.

La page est tournée pour la SPA (Société Protectrice des Animaux). Après trois années placée sous administration provisoire, un nouveau Conseil d’administration a été nommé, composé de bénévoles. A la tête de la célèbre institution : Natacha Harry, vétérinaire et journaliste. Faire baisser le nombre des abandons, augmenter celui des adoptions, offrir les moyens aux refuges de travailler dans de bonnes conditions, mais aussi, responsabiliser les futurs adoptants d’un chien ou chat ; tels sont les buts que se sont fixés la nouvelle équipe. 

Santévet : Qu’est-ce qui vous a incité à présenter une liste en vue d’occuper le poste de présidente de la SPA ? 

Natacha Harry : Lorsque j’ai été contactée pour savoir si j’accepterais de me présenter aux élections de la SPA, j’ai pris le temps de la réflexion.

Cette mission, qui implique un véritable engagement et des responsabilités importantes, ne pouvait être acceptée avec légèreté.

J’ai finalement accepté, car les animaux sont au cœur de ma vie depuis toujours. Il m’a alors semblé légitime d’essayer de mettre à profit mes compétences et ma motivation pour proposer à la SPA un nouveau projet.

« Il nous faut mettre en place une gestion rigoureuse, dynamique et transparente de la SPA. »


Santévet : La SPA a souffert d’une mauvaise image et a fait l’objet de remontrances de la part de la Cour des comptes en 2010. Après 3 années placées sous administration judicaire, n’est-ce pas trop difficile de « relancer la machine » ?

Natacha Harry : Il y a eu deux rapports de la Cour des comptes en 2002 et 2009. A la suite de celui de 2009, la SPA a demandé à être mise sous tutelle. On a en effet beaucoup parlé des pratiques et des honoraires de l’Administrateur provisoire, que je ne cautionne aucunement. Mais il faut savoir qu’ils avaient été définis et approuvés par le tribunal.

Un nouveau Conseil d’administration a été élu le 22 juin 2013. Les  neuf membres, dont moi-même, sont tous bénévoles.

Après ces trois années placées sous administration provisoire, il nous faut mettre en place une gestion rigoureuse, dynamique et transparente de la SPA. Nous poursuivons les efforts qui ont été faits en ce sens.

Santévet : C’est un véritable challenge pour vous ? Cela passe-t-il aussi par la reconquête de la reconnaissance du public afin que la SPA retrouve ses lettres de noblesse ?

Natacha Harry : C’est en effet un véritable challenge. La SPA ne vit que des dons et des legs. Les donateurs ont confiance dans notre institution, qui est la première association de protection animale en France.

Nous nous efforçons de communiquer de manière transparente, et de présenter tous nos projets et nos activités.

Il est essentiel que les donateurs et le public soient informés des actions de la SPA en faveur de la protection animale pour continuer à nous soutenir. Nous leur devons respect et transparence.

« L’adoption doit être un acte réfléchi. »



Santévet : Quels sont les objectifs fixés pour 2014 et à plus long terme ?

Natacha Harry : Augmenter le nombre d’adoptions et diminuer le nombre des abandons est une priorité de la SPA.

C’est pourquoi nous prônons l’idée d’une adoption responsable. Les animaux recueillis dans nos refuges doivent retrouver au plus vite une famille, mais nous voulons insister sur le fait qu’une adoption doit être un acte réfléchi. Les adoptants doivent comprendre l’importance de leur engagement, car ils vont devoir s’occuper de l’animal durant toute sa vie.

Pendant le mandat de l’Administrateur provisoire, une cinquantaine de millions d’euros ont été accumulés. Nous allons nous en servir pour un grand plan de rénovation de nos refuges, une priorité absolue sur laquelle nous sommes actuellement en train de travailler.

C’est un projet à long terme, car nous devons prendre en compte les nouvelles réglementations en matière d’environnement et de protection sanitaire. Un certain nombre d’entre eux sont en bon état, mais beaucoup de nos refuges nécessitent de gros travaux d’aménagement pour améliorer le confort de vie des animaux.

Nous avons également pour projet de construire d’autres structures car nous ne sommes pas encore présents sur l’ensemble du territoire national.

Santévet : Qui compose votre équipe et quelles sont les actions qui vous paraissent prioritaires ?

Natacha Harry : Le Conseil d’Administration est composé de 9 membres, tous bénévoles. Pour gérer ses 56 refuges et ses 12 dispensaires, la SPA a une gestion centralisée à Paris. Elle emploie 600 salariés. Environ 3 000 bénévoles actifs les aident à s’occuper chaque année de 40 000 animaux abandonnés, principalement des chiens et des chats.

Santévet : La cause animale est-elle aisée à défendre sur fond de crise ? On entend parfois le reproche fait à certains de s’attacher davantage à la cause animale qu’à celle de l’humain.  

Natacha Harry : Les dons et les legs que nous recevons restent stables. Il est vrai que le contexte économique de la France ne favorise pas les actions des personnes en faveur des associations. Mais nos donateurs ont conscience de la situation dans laquelle se trouvent nos animaux, et nous donnent ce qu’ils peuvent.

Santévet : La SPA de Paris, les SPA, la Confédération… on s’y perd un peu parfois ! Quelles différences y a-t-il ?

Natacha Harry : En effet lors de sa création en 1845, la Société Protectrice des Animaux n’a pas protégé son nom. La SPA historique fondée en 1845 est la seule association pouvant utilisée le sigle SPA sans autre précision. Les autres refuges ou association de protection animale peuvent utiliser ce sigle à partir du moment où leur localité d’implantation est précisée, ce qui n’est bien évidemment pas suffisant pour éviter la confusion.

Aujourd’hui, notre signe de reconnaissance est véritablement notre logo. Nous disposons de 56 refuges sur le territoire (voir la liste sur notre site internet www.spa.asso.fr/refuges).

Santévet : Que représentent les abandons annuels de chiens et chats ? Combien la SPA recueille-t-elle d’animaux et quelles actions met-elle en place en faveur de l’adoption ?

Natacha Harry : La SPA recueille près de 40 000 animaux chaque année dans ses refuges. On note une hausse encourageante de 8 % des adoptions, plus 29 000 animaux ont été adoptés en 2013, soit 2 000 de plus qu’en 2012.

Pour favoriser l’adoption, nous communiquons auprès du public via des campagnes (affiches, spots radio, site internet, réseaux sociaux…), et nous organisons des Portes Ouvertes en mai et en octobre. Les refuges organisent également des « week-ends adoptions » à l’occasion de fêtes spéciales (Noël, Saint-Valentin…).

Santévet : Les abandons connaissent-ils toujours un pic lors des départs en congés et quelques temps après l’acquisition d’un animal, comme après les fêtes de fin d’année notamment ?

Natacha Harry : Les vacances d’été sont une période critique pour les abandons, car les personnes partent en vacances et ne savent pas quoi faire de leur animal. On dénombre encore près de 60 000 abandons durant l’été, soit 60 % des abandons enregistrés sur l’année. C’est pour cette raison que la SPA insiste sur une adoption réfléchie. Prendre un animal, c’est être responsable de lui et de son bien-être. C’est un engagement pour la vie !

Santévet : A quelles difficultés sont alors confrontés les refuges de la SPA, quels sont leurs besoins ?

Natacha Harry : Comme énoncé avant, beaucoup de nos refuges ont besoin d’être rénovés, car ils ne permettent plus d’accueillir les animaux dans les meilleures conditions possibles. Ils sont également  confrontés à la surpopulation. Chaque refuge a une capacité d’accueil limitée, et ne peut pas la dépasser sous peine de réduire le confort de vie des pensionnaires. Nos refuges ont également besoin en permanence de nourriture, de couvertures durant l’hiver, de paniers, de jouets…

« Adopter un animal dans un refuge, c’est la meilleure manière de nous aider dans notre combat. »



Santévet : Adopter un animal dont on ne connaît pas toujours le passé, est-ce plus difficile ? Quels sont les conseils à donner aux futurs maîtres d’un animal issu d’un refuge ?

Natacha Harry : Adopter un animal dans un refuge, c’est la meilleure manière de nous aider dans notre combat quotidien. Les adoptants lui offrent une vie meilleure, et permettent dans le même temps de libérer une place au sein du refuge.

L’équipe de nos refuges conseille attentivement l’adoptant pour qu’il choisisse l’animal qui lui correspond. Certains de nos pensionnaires ont été maltraités, d’autres abonnés. Mais avec de l’attention, l’animal se sentira en confiance au sein de son nouveau foyer.

Il faut que l’adoptant ait du temps à accorder à l’animal, pour s’en occuper, le toiletter, lui préparer et lui donner à manger, le sortir. Mais aussi pour jouer avec lui.

Les animaux ont également besoin de règles de vie à suivre. Il ne faut pas être trop compréhensif ou permissif sous prétexte que l’animal a souffert. Il a également besoin de calme, notamment pour les animaux craintifs. Il faut leur laisser le temps de prendre leurs marques au sein de leur nouveau foyer.

Santévet : La hausse de la TVA pour les éleveurs qui doit passer de 7 à 20 % en juillet 2014, les inégalités de traitements fiscaux entre professionnels de l’élevage et particuliers faisant faire des portées… tout cela ne risque-t-il pas de favoriser le trafic des animaux venant des pays de l’Est, de Belgique, etc. ?

Natacha Harry : La TVA est payée lors de la vente, ce qui a pour conséquence la hausse du prix  des chiens ou chats. Le risque est effectivement que les personnes ne se déclarent pas éleveurs pour éviter d’être assujetties à la TVA, et que l’écoulement des animaux se fasse par le biais des petites annonces. Ce fait existe déjà largement.

Il est également possible que les éleveurs aillent de plus en plus chercher des animaux à bas prix pour pouvoir se faire une meilleure marge au moment de la vente, et maintenir leur activité

Ce qui est certain, c’est que cette hausse va être dure à supporter par les professionnels sérieux, qui essaient de faire les choses dans les règles, et on peut craindre que les moyens mis en place pour les animaux soient réduits.

Pour lutter contre ces situations, la SPA a créé depuis 20 ans une Cellule Anti-Trafic. Cette dernière regroupe cinq inspecteurs permanents (dont deux anciens gendarmes) qui collaborent au quotidien avec la direction juridique de la SPA. Sa mission est de traquer les trafiquants et le commerce illicite d’animaux dans toute l’Europe. Elle traite près de 300 affaires par an.

Santévet : La loi de janvier 1999 surtout connue pour son volet « chiens dits dangereux » entendait aussi moraliser le marché pour une meilleure transparence. Y a-t-il selon vous encore des progrès à faire, des améliorations à apporter dans le domaine du commerce des animaux, de l’information à fournir aux futurs maîtres ?

Natacha Harry : De nouveaux textes sont entrés en vigueur (arrêtés ministériels), qui imposent notamment aux professionnels de donner des conseils sur les besoins des animaux que les particuliers achètent ou adoptent.

La SPA a, à cet effet, créé un livret de l’adoptant très précis afin de guider au mieux les nouveaux propriétaires d’animaux. Ces conseils sont indispensables pour permettre à tous de mieux se préparer à l’arrivée d’un animal dans un foyer, et ainsi éviter les abandons par la suite. Toutefois, il y a encore de nombreux progrès à faire, et l’un d’eux concerne les petites annonces.

Santévet : Chiens et chats font désormais partie des membres de la famille. Les NAC ont aussi fait leur apparition. La SPA prend-elle en charge aussi ces derniers ?

Natacha Harry : Il nous arrive effectivement de recueillir d’autres animaux, comme des rongeurs (furets, hamsters, lapins), des oiseaux, animaux de ferme, ou encore des équidés.

« On ne peut pas dire que l’effet de mode des chiens dangereux soit passé. »



Santévet : Les chiens dits dangereux ont beaucoup fait parler d’eux. De nombreux se sont retrouvés en refuges. Est-ce que l’effet de mode dont ils ont fait les frais est aujourd’hui passé ?

Natacha Harry : On ne peut pas dire que l’effet de mode des chiens dangereux soit passé. Ce qui est certain, c’est que nos refuges ont rencontré beaucoup de difficultés pour placer les chiens de 2ème catégorie, notamment en raison  de la publicité mensongère qui a été faite sur eux et des obligations très lourdes qui pèsent sur les propriétaires de ces chiens.

Il y a encore de nombreux cas de chiens de 1ère catégorie qui arrivent dans les fourrières et malheureusement pour lesquels cette loi ne prévoit pas d’autre issue que l’euthanasie.

Santévet : Que vous inspire la volonté de changer de statut juridique de l’animal et y êtes-vous favorable ?

Natacha Harry : La SPA soutient vigoureusement le changement du statut juridique de l’animal. Il s’agit de l’un de nos combats majeur en faveur de la protection animale. L’animal est encore considéré comme un meuble par le Code Civil, et un changement de statut pourrait marquer une grande avancée dans les mentalités en faveur de la cause animale. Ce changement est nécessaire et je crois que la société est prête à cela. Charge à nous tous de motiver les pouvoirs politiques.

Santévet : Enfin, garderez en plus de votre poste de présidente vos activités de journaliste. Quels sont dans ces domaines vos projets ? Le fait que vous soyez médiatique a pu vous être quelque peu reproché. N’est-ce pas finalement un avantage pour assurer la promotion de la SPA et prendre la défense des animaux maltraités ou abandonnés.

Natacha Harry : Ma fonction de présidente de la SPA est 100 % bénévole. Je poursuis donc toutes mes activités professionnelles, qu'elles soient liées à mon métier de journaliste ou à mon partenariat avec une marque de Pet Food. Je dois avouer aussi que j’adore mon  métier et que pour rien au monde je ne m’arrêterais de travailler.

Je crois qu’être journaliste est une chance pour notre association, car cela me donne plus facilement accès aux différents médias pour porter les valeurs et les messages de la SPA. 


Propos recueillis par Claude Pacheteau/SantéVet



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Photos : DR