L'alimentation industrielle vu par les vétérinaires

Plusieurs années en arrière, on pouvait encore émettre des réserves sur l’alimentation dite industrielle. Mais les fabricants ont fait de tels progrès que, de nos jours, la question ne semblait pas devoir soulever de nouveau la polémique. Pourtant, une étude a récemment jeté de nouveau le doute. Nos confrères de La Dépêche Vétérinaire, un hebdomadaire professionnel, ont donc enquêté auprès des praticiens et des acteurs de ce secteur. Alors, ration ménagère ou industrielle ? La question est de nouveau posée. 

Il y a, avec Internet, des idées qui font le « buzz » comme on dit aujourd’hui. Entendez par là, dans le langage des Internautes, une idée qui fait du bruit, « buzz » venant de l’anglais « bourdonnement ».

Il aura fallu une dépêche publiée par la sérieuse Agence France Presse (AFP) pour que cela bourdonne aux oreilles des maîtres de chiens et de chats. D’autant que celle-ci a notamment été reprise par l’hebdomadaire Marianne puis ensuite quelque peu galvaudée sur certains sites.

Cette information faisait état de la « malbouffe » chez nos chiens et nos chats, entraînant « allergies et obésité », entre autres. Le responsable ou plutôt les responsables pointés du doigt ? Les aliments industriels.

Cela se basait en grande partie sur les préceptes d’un vétérinaire belge, le Dr Gérard Lippert, acupuncteur animalier à Bruxelles. Ce dernier estimant que « les animaux, comme les hommes, sont aujourd'hui victimes de la malbouffe ». 

Des travaux qu’il a conduits quelques années auparavant sur 600 chiens morts – son étude n’est pas ‘’très’’ récente - l’ont amenés à conclure que « ceux qui avaient mangé des aliments industriels sont morts trois ans plus tôt que ceux qui avaient consommé de la nourriture ménagère ».

« Je soigne énormément de chiens et de chats pour des problèmes cutanés, locomoteurs et digestifs », raconte-t-il. « Les croquettes sont surchauffées, ce qui détruit les vitamines, les oligoéléments et autres éléments nutritifs de fond. On ne connaît pas la nature des protéines animales », poursuit-il.

« De plus, il y a une proportion excessives de céréales souvent d'origine transgénique et peu de végétaux (...) On fait de nos chiens et chats des ruminants ! Je regrette que certains de mes confrères vendant des croquettes soient juges et parties », concluait-il en substance. 


Alimentation industrielle : confiance intacte des vétérinaires


La Dépêche Vétérinaire, hebdomadaire professionnel, a donc décidé de lancer un sondage auprès de vétérinaires, puis de mener aussi une enquête auprès de ces deniers spécialisés en nutrition comme auprès des représentants de l’industrie. 

« La grande confiance des vétérinaires dans l’alimentation industrielle qu’ils distribuent demeure intacte. » C’est ce qui ressort des 575 réponses traitées et analysées dans un dossier publié dernièrement (n° 1078-1079 du 8 mai au 21 mai 2010). Cela est sans équivoque puisque seuls 4,7 % des vétérinaires conseillent « toujours » ou « souvent » la ration ménagère. 

L’analyse précise encore que lorsque « la ration ménagère l’emporte, c’est le plus souvent le résultat de la demande du client (47,83 %) et, dans un tiers des cas, lié à une pathologie de l’animal ». 

Plus de deux tiers des vétérinaires (65,91 %) font  « tout à fait » confiance dans les aliments industriels qu’ils distribuent, contre 31 % pour ceux qui font « plutôt » confiance.

Le dossier remarque toutefois que cette confiance diminue lorsqu’il concerne des aliments distribués hors circuits vétérinaires : 59,83 % ne leur font « plutôt pas confiance » et 9,74 %, « pas confiance du tout » ! « Un champ d’actions potentiel pour les fabricants qui gagneraient probablement à convaincre les professionnels de la santé animale de la qualité de l’ensemble de leurs gammes », note le dossier. Mais lorsqu’on leur laisse le choix entre une ration ménagère équilibrée et un aliment industriel de bonne qualité, les vétérinaires se prononcent majoritairement pour le second (54,26 %), « dans l’intérêt de la santé animale ». 

L’enquête de La Dépêche a cherché à comprendre pourquoi ce dernier choix. Les vétérinaires justifient ce choix par le fait que « l’équilibre d’une ration ménagère est difficile à atteindre (voire impossible pour certains) et, surtout, que cet équilibre, pour des raisons pratiques et de méconnaissance, a peu de chance de s’inscrire dans la durée ».

On en revient donc à ce que nous savons déjà aujourd’hui. Une ration ménagère, oui, si elle est contrôlée, sans excès ni carences. Un aliment industriel, oui, s’il s’inscrit dans une gamme dite « Premium », comme celle que l’on peut effectivement trouver chez les vétérinaires. Moralité : c’est aller vite en besogne que de vouloir à nouveau jeter le discrédit sur l’alimentation industrielle ou de vouloir une fois de plus l’opposer à la ration ménagère. L'un ou l'autre peut trouver des réponses fiables dans les conseils que peuvent obtenir les maîtres auprès de leur vétérinaire. 

Ce qu’ils en pensent

La Dépêche Vétérinaire s’est rapprochée de praticiens spécialisés en nutrition et de la chambre syndicale représentant les fabricants de pet-foods afin d’appronfondir son enquête.

Pour le Pr Bernard-Marie Paragon, professeur d’alimentation à l’école vétérinaire d’Alfort, entre autres, « les données sur lesquelles se fonde Gérard Lipert ne semblent pas avoir fait l’objet d’une publication scientifique. (…) L’observation ponctuelle et  limitée à une seule clinique vétérinaire effectuée par le Dr Lipert sur un échantillon par définition non représentatif, ne peut permettre de valider une assertion allant contre-courant de ce que constatent tous les vétérinaires européens (…).
Selon lui, l’exploration des risques réels liés à l’alimentation industrielle (obésité, cancer, etc.), doit suivre plusieurs pistes et notamment : « Un niveau alimentaire inadéquat, c’est l’erreur la plus courante » ; « l’absence de personnalisation de (…) quantité (…) et un suivi aléatoire du statut corporel de l’animal » ; « la distribution de friandises, biscuits et autres croutes de fromage généralement non pris en compte pour le calcul des apports caloriques quotidiens » ; « s’assurer que l’aliment retenu correspond (…) en termes qualitatifs aux exigences spécifiques de l’animal » ; « le respect des rythmes fondamentaux de la prise alimentaire ».

Selon Maxime Coquet, vétérinaire, président du groupe d’étude en diététique de l’Afvac (Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie), « alimentation industrielle et ration ménagère sont complémentaires (…) les deux types de rations possèdent leurs avantages et leurs inconvénients et (…) leur utilisation se raisonne en fonction du client, mais aussi de l’animal. (…)

Par contre, une ration ménagère doit toujours être élaborée, contrôlée, équilibrée par un vétérinaire, la complémentation minérale et vitaminique étant par exemple quasi systématique. » Pour l’industriel, ce vétérinaire distingue « les aliments des gammes vétérinaires (voire de certains circuits spécialisés) des aliments ‘’standards’’ ; voire ceux dits ‘’économiques. »

Pour Yvette Schmidt, présidente de la Facco (Chambre syndicale des fabricants d’aliments pour chiens, chats, oiseaux et autres animaux familiers), rappelle pour sa part que « depuis 50 ans, les industriels travaillent avec des vétérinaires et des nutritionnistes, avec les écoles vétérinaires pour proposer des aliments adaptés aux besoins des animaux de compagnie ». (…)

« Tous les aliments du marché utilisent des matières premières qui présentent le même niveau de sécurité sanitaire. » (…) « Il revient aux vétérinaires de responsabiliser les maîtres et de les informer sur les besoins nutritionnels des animaux. » 

Source : La Dépêche Vétérinaire, n° 1078-1079 du 8 mai au 21 mai 2010.

 

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